Emile Zola et Guy de Maupassant s’étaient indignés devant le projet de tour Eiffel, Charles-Ferdinand Ramuz décriait la tour Bel-Air, mais à voir les oppositions au projet de tour de Beaulieu, la littérature semble à la peine !
Au-delà du gag sur la position symptomatique de ces quelques grands intellectuels à propos de la modernisation de leur environnement, notons que l’urbanisation est un phénomène qui catalyse le débat, en particulier esthétique. Suite à la publication des deux points de vues de Lionel Baier (Matin Dimanche, ci-dessous à gauche) et de Luc Debraine (L’Hebdo, Espace public: vive la ville verticale) qui thématisent tout deux l’antagonisme ancien/moderne, je me permets de ressortir un courrier des lecteurs paru il y a 10 jours (24heures, ci-contre à droite).
L’esthétisme est le seul argument valable…
Cette question de perception de la ville et de son apparence, de ses symboles et de ce qui est culturellement “juste” ou “bon” est fondamentalement personnelle. Ce n’est pas un hasard si on trouve de tels discours chez des individus à la personnalité aussi développée, grands auteurs et chroniqueurs habitués à donner leur avis en public. En ce qu’il est personnel, l’argument du goût est donc absolument respectable, inattaquable parce qu’il sera différent dans la bouche de chacun. C’est d’ailleurs ce qui le distingue des autres arguments qui s’opposent à ce projet de tour de Beaulieu : tous sont rendus caducs par les réponses pragmatiques de ses promoteurs, en matière d’écologie, de politique du logement, de finances publiques, de transports, de plan de quartier, de nécessité économique, etc…
…mais il ne suffit pas !
On ne base pas une politique publique sur une question de goût subjectif. Qu’on trouve laid ou majestueux le projet “Taoua” de tour de Beaulieu ne doit pas conditionner sans retour l’avenir de cette construction. Cela ne signifie pas pour autant qu’il faut construire n’importe quoi en espérant que la population se prenne d’amour pour son bâtiment symbole par la suite, à l’exemple de la tour Eiffel, mais cela signifie qu’un bâtiment est d’abord la réponse à un besoin de la collectivité. Et la collectivité, à Lausanne, elle a besoin de logements et d’un centre de congrès équipé. À l’échelle du quartier, et c’est parce que j’y habite que je m’investis personnellement par ce courrier des lecteurs, la collectivité a également besoin d’un espace vert public, un lieu qui relativise la tristesse des murs gris et qui rassemble les habitants à ciel ouvert.
Le débat sur la beauté de la tour de Beaulieu et la nécessité de construire en hauteur a deux conséquences très fâcheuses : d’une part, en élaborant pléthore de contre-projets plus “beaux”, plus “adaptés”, plus “horizontaux”, on oublie qu’on ne vote pas sur un choix de bâtiments mais bien sur une construction aujourd’hui ou rien pendant les 15 prochaines années. D’autre part, comme les arguments esthétiques ne peuvent qu’être personnels, ce ne sont plus les idées qui s’affrontent mais les hommes.
À lire à ce sujet :
À propos de la démesure de la tour de Beaulieu
Comparatif des hauteurs de tours en Suisse et dans le monde.
La tour de Beaulieu depuis sa fenêtre
La tour n’est pas une nuisance visuelle.
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