La mission journalistique d’information ne saurait se priver d’une réflexion sur les moyens d’expression qu’il s’agit de mettre en oeuvre pour faire comprendre une réalité à son public. Dans le cadre d’une recherche sur la politique migratoire européenne, les cartes s’imposent comme un vecteur incontournable.
L’impact de la carte “dessinée”
Dans un récent post, Philippe Rekacewicz (à suivre sur Twitter), journaliste au Monde Diplomatique dont les travaux ont inspiré mon adolescence et m’ont donné le goût pour la visualisation de données, revient sur quelques unes de ses “cartes en colère” : “Mourir aux portes de l’Europe”. Documentant la position “sanctuarisée” du vieux continent face aux migrations, en particulier sur la base des statistiques chiffrées de mortalité, ces cartes ont ceci de très particulier qu’elles sont dessinées au crayon. Ce rendu très texturé n’est pas seulement d’un très bel effet, mais il rend à la carte son aspect “proche” et “accessible”, alors que la cartographie est un genre qui se généralise dans les colonnes de nos médias, souvent aseptisée. À mon sens, cet effet visuel contribue à faire passer au lecteur un rappel : une carte, une collection de données, ne fait rien d’autre que de décrire des milliers de trajectoires humaines.
Quand le “lisse” consensuel fait place au “brut”, à la colère
Le coup de crayon, parfois imprécis, est une forme de témoignage de l’incertitude qui se cache derrière la cartographie qui réduit souvent une multitude d’éléments en une image globale qui ne laisse pas sa place à l’exception, à l’individualité. Son irrégularité, la granularité du papier, les frontières très appuyées et les limites non rectilignes laissent bien transparaître la tension critique du dessinateur qui doit résumer en quelques traits une réalité qui dérange.
Pour continuer cette réflexion, toujours à mi-chemin entre le regard sur l’objet et sur la façon de le présenter, je vous invite à lire l’article original de Philippe Rekacewicz ainsi que celui de Nicolas Lambert “La butte rouge migratoire”. Et en guise d’ouverture, jetez également un coup d’oeil sur cette série de superbes cartes des frontières européennes (1914-2013), également dessinées par Philippe Rekacewicz et très récemment publiées sur le site du Diplo.
C’est aussi au crayon mais ça n’est pas la même démarche : pour les personnes fatiguées par le visuel triste et classique des google maps et open street maps, il est possible de télécharger ses cartes au format “watercolor” ici http://maps.stamen.com/watercolor/#16/46.5201/6.5723
[très bien choisi, le lieu] Oui, ce projet est superbe. Mais inutile ? Marrant, j’avais cité une autre visualisation de Stamen il y a quelques jours.
À propos de Stamen, je n’avais pas fait le rapprochement, mais cela confirme les dires d’une connaissance commune. Ce n’est pas la formulation originale, mais ça va à peu près comme ça : “Dans un domaine bien défini, les projets intéressants sont en général amenés par un très petit sous-ensemble des acteurs de ce domaine.”
Je suis assez d’accord avec cette connaissance commune, pour le coup, même si c’est délicieusement réducteur et élitiste 😉
Petite question : pourquoi un Espagnol qui vient travailler en France est un travailleur européen ; tandis qu’un Gambien qui va travailler au Sénégal est généralement considéré comme un réfugié (vu depuis l’Europe) ?
De nombreux pays en Afrique connaissent également la libre circulation des personnes et je me demande dans quelle proportion la migration de ces travailleurs est prise en compte dans la statistiques des migrations ?
Euh, dans les deux cas, si ces personnes sont des travailleurs, il ne s’agit pas de “réfugiés” mais simplement de “migrants”. D’ailleurs, l’étude ci-dessus ne traite pas du mouvement des personnes à l’intérieur de leur zone socio-économique, mais bien quand ils en changent. Est-ce que vous avez un bon exemple d’étude qui considère un gambien travaillant au Sénégal comme un “réfugié” ?
Citation : La ” convention de 1969 de l’organisation de l’Union Africaine (OUA) élargit en effet le statut de réfugié « sans qu’il soit nécessaire de démontrer une persécution individuelle” […] Ainsi, alors que 80 % des réfugiés en Afrique ont obtenu le statut sur la base collective ou prima facie, le contraste est frappant avec l’Europe ou la majorité (voire la totalité) des demandeurs a obtenu le statut de réfugié sur une base individuelle. Et le HCR de conclure : « Les différences régionales en matière de reconnaissance s’expliquent en partie par la nature du cadre juridique existant ainsi que par le niveau de développement économique (la détermination individuelle du statut de réfugié est exigeante en termes de ressources) » (UNHCR – 2005 : 6).”
Source : http://remi.revues.org/4199
(premier résultat d’une simple recherche google)
En d’autres termes, l’Afrique et l’Europe n’appliquent pas les mêmes règles. Si l’on veut comparer, il faut dès lors retrancher 80 % des chiffres publiés par le HCR sur l’Afrique. Cela ne veut pas dire que ces 80 % n’obtiendrait pas le statut de réfugié (selon les critères européens), mais la rigueur scientifique impose de comparer ce qui est comparable, non ? Êtes-vous d’accord sur ce point au vu des explications du HCR ? (lien)
Il demeure cependant une constante. En Afrique comme en Europe, il y a des contrôles au frontières pour protéger la population besogneuse et si la libre circulation n’existe pas, il faut un “motif” pour rester dans le pays d’accueil. Un Gambien demandera dès lors la protection du Sénégal (la Gambie est une terrible dictature) au lieu de s’annoncer comme un travailleur. Il sera ainsi pris en compte par les stats de l’UNHCR.
Sinon, je n’ai pas apprécié votre commentaire sur ma prétendu adhésion à l’UDC. Pour ne prendre que ce critère qui m’a fait découvrir votre site (mais il y en a beaucoup d’autres), ce parti n’a jamais défendu de manière crédible un budget raisonnable pour notre défense nationale. Je n’ai dès lors aucune affinité pour lui ! Je continue toutefois à penser que vous devriez faire plus de pub à vos affiches. Elles desservent votre message et je suis sûr qu’elles arrivent à faire naître dans l’esprit de vos lecteurs que l’UDC est contre l’achat des avions. Nous pourrions ainsi compter sur quelques voix supplémentaire (les anti-UDC). Ce serait très bien !