Aujourd’hui, Google s’offre des encarts publicitaires dans les journaux régionaux suisses. Passées les trois secondes d’étonnement et les cinq secondes de questionnement naïf “Tiens, une société numérique qui promeut ses activité dans un média papier“, on se prend au jeu de lire le texte de l’annonce, particulièrement fourni d’ailleurs, et on se rappelle les récents rebondissements de la firme de Mountain View en Suisse.
Street View et la protection des données en Suisse
Ces publicités sont la conséquence du recours de Google auprès du Tribunal Fédéral (TF) suite à la plainte du préposé fédéral à la protection des données auprès du Tribunal Administratif Fédéral (le TAF avait intimé l’ordre à Google de flouter tous les visages et les plaques d’immatriculation dans son service Street View). Dans son communiqué (merci Alexandre Garcia pour le lien), le Tribunal Fédéral “parvient à la conclusion qu’il ne se justifie pas d’exiger, avant la mise sur Internet, une anonymisation complète des visages et des immatriculations de véhicules sur Google Street View, en plus du floutage automatique”, et reconnaît donc que la mesure du TAF est trop restrictive.
Informer, oui, mais sur papier !
Cela étant, le TF assorti l’admission du recours de Google à une condition : la nécessité de communiquer clairement les possibilités de floutage a posteriori des images compromettant la sphère privée ayant échappé au floutage automatique, et cela pas uniquement de manière numérique. Le texte impose donc à Google “d’informer, dans la presse régionale et locale, sur les prises de vues et les mises en ligne qui sont prévues” (précisant qu'”un simple renvoi à sa homepage ne satisfait pas au droit à l’information de la population”) ! Voici donc l’annonce parue ce vendredi 10 mai dans le 24heures (on notera l’image de fond, adaptée au territoire de diffusion du quotidien) :
Google complète cette initiative par la mise sur pieds d’une page web permettant de connaître le programme de photographies de ses véhicules : Where is Street View ? On y apprend que la Suisse romande sera parcourue dès le 28 mai.
Numérique et/ou traditionnel, quel public pour Google ?
La décision du TF n’est pas anodine. Au-delà de la question de la protection des données personnelles, la demande formelle de communiquer de manière non-numérique est en elle-même très intéressante. Elle pose la question du chevauchement (ou justement du non-chevauchement) des publics consommateurs des services en ligne de la société Google et des publics consommateurs de journaux locaux. Finalement, la frange la moins “connectée” de la population n’est-elle pas aussi celle qui sera la moins attirée par cette annonce qui ne lui dit à peu près rien ? En conséquence, elle est aussi très certainement celle, puisqu’elle ne maîtrise peut-être pas parfaitement les services de Google et en particulier Street View, qui est la plus susceptible de subir à son insu les conséquences gênantes de la publication de ces carto-photographies indiscrètes.
Bref, les personnes conscientes du problème entreront l’adresse URL fournie dans leur navigateur, mais les autres ?
La Suisse dans le prisme de Street View
Avec ses pistes de ski numérisées et quelques lieux phares, la Suisse ne manque pas de balades numériques. Au-delà de ces paysages qui ne valent pas en ligne un centième de la très belle expérience que l’on fait en les visitant réellement, Street View est encore très pauvre en Suisse de ce qui constitue (parfois) son (seul) intérêt pratique : une couverture complète des principales rues d’agglomérations à destination de celles et ceux qui cherchent une adresse précise.
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