Qu’on la couvre de louanges ou qu’on en critique les imperfections, l’encyclopédie en ligne Wikipédia ne laisse pas indifférent. Mieux, elle est incontournable et même consultée au quotidien par ses détracteurs. Le wiki collaboratif appliqué au domaine de la παιδεία (étymologiquement donc un outil d'”éducation rapide”, en écho à l'”éducation complète” de l’encyclopédie) se révèle en effet être une formule à succès puisque plus de 15 millions d’internautes consultent chaque jour une partie des 20 millions d’articles disponibles sur cette plate-forme qui se décline en 270 langues.
J’utilise Wikipédia au travail, et vous ?
Wikipédia est un outil incontournable de ma vie professionnelle. Dans un entretien avec le très wikipédien Ludovic Péron [twitter/blog], j’expliquais que Wikipédia, bien que ne pouvant pas servir de caution scientifique à une recherche, permet de gagner un temps très précieux par la mise en commun de références bibliographiques (et numériques) sur des sujets particulièrement pointus. Dans le travail d’édition que j’y évoquais comme dans l’étude de réseau que je mène actuellement, une partie de ma tâche consiste à élaborer des bases de données prosopographiques contenant les informations biographiques de centaines d’individus. Dans ce très long travail, Wikipédia est une porte d’entrée qui me permet de vérifier en quelques secondes l’existence (ou l’absence) d’une notice qui me permettra par la suite d’approfondir ma recherche avec des outils traditionnels (encyclopédies biographiques, ouvrages de référence dans les disciplines concernées, dictionnaires historiques, etc.). En tant que modeste chercheur, il me semble d’ailleurs important d’être moi-même un contributeur de cette grande encyclopédie participative, c’est pourquoi je complète de temps en temps des paragraphes et des références.
La connaissance en réseau, plus qu’une compilation de savoirs
Plus que son aspect collaboratif, qui génère des contenus à l’intérêt variable (mais si même Nature vante la qualité de Wikipédia, alors je ne dis plus rien…), c’est la densité de liens qui composent cette encyclopédie numérique qui en font un ouvrage autrement plus dynamique et précieux que ses homologues classiques. Dans Wikipédia, chaque notion apparaissant dans un article est liée à l’élément s’y rapportant, chaque article est catégorisé à plusieurs niveaux. Organisée en réseau, la connaissance se déploie sous la forme d’une toile complexe, et pourtant tout sauf inextricable ! La valeur ajoutée de la mise en réseau de l’information est telle que fleurissent les pages de “listes”.
On trouve un excellent exemple de l’intérêt de l’organisation du savoir en réseau dans l’initiative de Brendan Griffen (en anglais; en français) qui fait le pont entre le réseau réel de l’objet décrit par l’encyclopédie (ici, l’histoire de la philosophie) et le réseau virtuel de sa description elle-même (les pages de philosophes sur Wikipédia). Sur Wikipédia, tous les articles d’auteurs, philosophes et artistes sont liés par des indications « influencé par » et « a influencé ». La représentation graphique de ces relations d’influence permet une visualisation de toute l’histoire de la littérature, des courants philosophiques et artistiques, avec ses entremêlés inévitables et ses rapports de force. Outre l’aspect didactique, cette analyse permet de mettre en évidence certaines lacunes de l’encyclopédie Wikipédia, par exemple la faiblesse de ses articles sur la philosophie arabe médiévale, pourtant source d’inspiration incontournable pour les « modernes » occidentaux.
Se former à Wikipédia
Le contenu de Wikipédia n’est pertinent qu’à condition que l’on saisisse les problématiques liées à son processus rédactionnel collaboratif. En conséquence, la simple consommation de l’information doit toujours être complétée par une critique de la source, plus ou moins approfondie selon que l’objet décrit est sujet à controverses. Il est par contre tout à fait déplacé de retirer sa confiance dans un outil collaboratif pour la simple raison que les descriptions seraient sujettes à la subjectivité de leurs auteurs. Ce serait oublier que derrière chaque texte d’encyclopédie traditionnelle se cache un ou plusieurs auteurs, parfois même beaucoup plus susceptibles d’avoir une vision partiale ou partielle de l’objet (pensons aux premiers encyclopédistes, dont la vocation était tout sauf apolitique). Non, devenons nous-mêmes des contributeurs, même irréguliers, pour comprendre ensuite plus finement les enjeux qui sous-tendent la rédaction de tel ou tel paragraphe, pour vivre de l’intérieur le tiraillement et la pesée d’intérêts entre versions conflictuelles ! De fait, tout discours scientifique est le produit d’un chercheur et de son point de vue assumé, pourquoi en serait-il différemment ici ?
Finalement, et sans évacuer complètement le très nécessaire angélisme de la démarche désintéressée de Wikipédia, l’éducation à Wikipédia passe peut-être simplement par l’explicitation des motivations potentielles de ses contributeurs, entre généalogistes passionnés, agents de communication (si si), trolls sans pitié, chercheurs philanthropes, webmasters en mal de référencement, robots, correcteurs orthographiques paranoïaques, etc…
Pour aller plus loin
Je suis preneur de tout questionnement, réflexions personnelles ou liens vers des articles de ce type, pour continuer la discussion autour de l’utilité et l’utilisation de cet outil.
Utilisez-vous Wikipédia à titre professionnel ? Comment gérez-vous la question de la neutralité de point de vue (en tant que consommateur ou contributeur) ? Wikipédia est-elle le modèle abouti de thésaurisation de la connaissance ? Au vu de la démocratisation de son utilisation, doit-on former les étudiants à cet outil ? Le fonctionnement de l’encyclopédie est-il inspiré du dialogue scientifique ou celui-ci devrait-il au contraire s’inspirer des bienfaits collaboratifs pour mettre en commun les compétences ? La politique ne pourrait-elle pas tirer bénéfices de tels procédés ouverts pour optimiser et dynamiser l’engagement citoyen ?
Et pour soutenir Wikimédia, c’est par ici (Suisse) ou par là (France).
J’ai commencé à contribuer sur Wikipédia pendant ma thèse (en histoire) exactement pour les raisons évoquées au 1er paragraphe : je me rendais compte que je faisais un travail énorme de collecte de sources biographiques sur des personnages “secondaires” du XIXe siècle, ou sur des petites structures intellectuelles de l’époque (journaux, sociétés religieuses etc). Je faisais mes petites “fiches” sur mon ordinateur, en pestant contre les historiens précédents qui avaient certainement les mêmes petites fiches faites 20, 30 ans auparavant et dormant dans des cartons.
Alors lorsque j’ai découvert Wikipédia, c’est avec l’idée de mettre en ligne, à disposition de tous, ce travail de collecte et de compilation de sources. Il n’y avait rien (il n’y a toujours pas grand chose) en ligne sur ces personnages. Partager mes recherches c’était, pour moi, permettre aux “suivants”, ou aux personnes simplement curieuses, de pouvoir aller plus vite, et du coup d’aller plus loin dans leurs recherches.
Ça n’est qu’un peu plus tard que j’ai compris tout l’intérêt des liens, des catégories, etc. Et plus tard encore que je me suis autorisée à contribuer sur des sujets où je n’étais pas hyper-spécialiste, simplement en faisant de la même manière un travail de lecture des sources et de vulgarisation.
Je trouve donc vos propos particulièrement pertinents et à diffuser massivement dans les universités 🙂
Ca fait toujours du bien de se rendre compte qu’on est pas seul face à ses petits problèmes de compilation de données ! Oui, c’est donc un cas très similaire. D’ailleurs, constater le nombre de bases de données de fiches, biographies et autres compilations qui dorment dans les disques durs des collègues me fait chaque fois mal au coeur !
Cela approche ma question (ci-dessus) “Wikipédia est-elle le modèle abouti de thésaurisation de la connaissance ?” En d’autres termes, Wikipédia devrait-elle être la base de données ultime de ce genre de “fiches” ?
Ultime, non. Un point d’entrée, comme tu le dis justement, et un outil dont il faut parler en Méthodologie 101 pour étudiants, définitivement.
“Enjoy it, share it, improve it”. Si ce n’est pas parfait, chacun face à sa responsabilité : utiliser son expertise pour améliorer l’outil commun.
Le problème des cours de “Méthodologie 101” actuels, c’est qu’ils diffusent plutôt le message suivant (je vous fais grâce des caps lock): “attention, wikipédia ne doit pas être utilisée, il faut citer vos sources !” …
Tous les cours de méthodologie ne sont pas négatifs… mais a dépend probablement des facultés. Quels cours vois-tu encore qui sont si critiques ?
Non, c’est vrai, je peins un peu le diable sur la muraille, mais c’est du vécu en cours d’introduction en histoire, au début de mes études.
C’est clairement quelque chose qui évolue vite. Je suis persuadé qu’on peut encore entendre ce jour de choses en lettres, p.ex. Au niveau de l’Unil, avec des programmes comme Magellan, ce n’est plus à l’ordre du jour.
Bien entendu qu’il faut former les étudiants à cet outil. Mais je pense que ce n’est pas vraiment un outil, c’est plutôt une langue, avec ses codes, sa grammaire, sa syntaxe, et la pratique nécessaire pour la comprendre. Il en est de même pour les réseaux sociaux.
Ce qui est intéressant, et pas assez souligné, avec Wikipédia, c’est l’ADN du wiki. D’un wiki, on nous dit toujours que c’est ouvert à tous, collaboratif, etc. Mais on oublie, souvent, de dire qu’un wiki est avant tout a-hiérarchique et sans menu de navigation! Tu le soulignes bien dans ton idée de réseau. Un site classique est “conditionné” par la hiérarchie; un blog par la chronologie; un wiki par les proximités sémantiques (termes à discuter…).
Le vrai exercice de langue qu’il faut la peine de mener, c’est de commencer à utiliser un wiki vide. Même seul, on comprend encore mieux et plus rapidement en quoi c’est particulier, déroutant et efficace. Du point de vue de la compréhension de la structure, Wikipédia est trop complexe pour être pédagogique.
Pour répondre à ta question: oui, j’utilise Wikipédia professionnellement, en particulier pour les renvois de qualité dans les sources citées. Et j’utiliser des wikis pour éditer des sites ou des documentations partagées en interne (DokuWiki) et en local (vimwiki).
Oui, commentaire judicieux sur l’aspect “langue” et “environnement” qu’est le wiki wikipédia. Mais sans oublier non plus que Wikipédia n’est pas qu’une syntaxe, elle est aussi un contenu incroyablement riche.
Dans les domaines des sciences dures, la question de l’utilisation de Wikipédia à l’Université ne se pose pas: c’est un fait. Des étudiants en biologie de 2ème année à l’Unil ont réalisé un sondage (sans prétentions), et ont été étonnés de voir qui si l’utilisation de Wikipédia variait beaucoup d’un prof à l’autre, aucun ne rejetait cette encyclopédie. Pour ce qui est de la neutralité du contenu, il est clair que c’est moins un problème dans ces domaines que dans d’autres.
Pour rebondir sur les fiches mentionnées par Serein plus haut, certaines bases de données biologiques se coordonnent avec Wikipédia pour améliorer leur contenu, en qualité et en quantité. Voir par exemple http://pfam.sanger.ac.uk/help#tabview=tab7
Difficile de faire mieux comme preuve de l’acceptation du système…
Dans le monde du journalisme, j’ai arrêté de demander si les gens utilisent Wikipédia. Baladez-vous dans une rédaction (p.ex. au Temps), et vous verrez des copiées imprimées d’articles sur la majorité des bureaux. En tout cas, cela est valable en Suisse; en France, les réactions ont toujours été plus négatives dans mon souvenir (mais elles ne disent rien de ce que les gens font dans le secret de leur ordinateur).
La formation est un sujet épineux. Les mêmes étudiants de 2ème année mentionnés plus haut ont été impressionés par tout ce qu’ils ont appris sur le fonctionnement de Wikipédia après avoir travaillé sur le sujet, il y a donc un bien. Les professeurs qu’ils ont sondés ont généralement une approche suffisamment critique de Wikipédia; pareil avec les journalistes (mais c’est un peu normal chez eux: avoir un esprit critique par rapport aux sources est la base de leur métier, quand même). Mais il y a quand même des concepts qui ont de la peine à passer; je ne compte pas les gens qui ont été exposés aux détails du fonctionnement de Wikipédia, qui devraient connaître le tout, et qui arrivent quand même à décrire un wikipédian en comme “c’est lui qui modère les contenus liés à tel ou tel sujet”…
Modèle abouti de la thésaurisation de connaissances ? Ouh la, non, loin de là. Je lui vois énormément de défauts. Mais il a un avantage unique (par définition): c’est un point central où trouver des connaissances, comme il n’y en a probablement pas eu avant. Et ça, c’est précieux. Et explique pourquoi d’autres projets, potentiellement meilleurs sur le papier, ne fonctionnent pas.
Merci beaucoup pour cet aperçu de la question du côté des sciences dures ! Oui, l’intégration des articles dans ce Pfam est très réussie (un exemple ici pour ceux qui nous lisent).
Est-ce qu’on a une idée de la raison de la différence (culturelle ?) d’acceptation de Wikipédia en France ? Est-ce une question de culture journalistique/scientifique/… ou un reliquat de l’importance traditionnellement donnée en France aux dissertations et aux “Lettres” en général ?
Au niveau de l’enseignement, ce qui dessert encore peut-être Wikipédia, c’est l’aspect très communautaire de la sphère contributrice, qui a beaucoup du jeu de rôles parfois (au niveau des contributeurs fréquents).
Sans avoir creusé le sujet, on a toujours mentionné l’organisation plus élitaire du système éducatif français (un journaliste, c’est quelqu’un qui a fait les écoles de journalistes, et il utilise les outiles du journaliste, pas un truc créés par des amateurs) — donc plutôt une question de culture. Mais c’est vague. Serein a peut-être/probablement une meilleure idée.
Pour l’aspect communautaire, il existe clairement (et de plus en plus), mais les gens “externes” ne le voient généralement pas. Il pourrait avoir (et probablement a) un effet repoussoir pour des potentiels contributeurs, mais ils ne sont pas si nombreux. Du point de vue des utilisateurs (en particulier dans l’enseignement), je ne pense pas que ça fasse une grosse différence.
J’ai été aussi surpris que les médias de France soient si circonspects (et encore je suis gentil) envers Wikipédia alors que les médias romands sont bien plus bienveillants. Mon analyse qui ne repose sur rien de concret (^^) c’est en effet que dans l’optique de la diffusion à la française du savoir, il y a l’idée que “seules les personnes autorisées peuvent enseigner aux autres”. Bref on est OK pour que les gens apprennent mais pas par n’importe qui (manquerait plus que ça !!).
Le système très horizontal du wiki et sa décentralisation anonyme vont totalement à l’encontre de cela; d’où le clash, à mon avis. Mais c’est moins choquant pour des pays plus pragmatiques (grosso modo “on s’en fout d’où ça vient, tant que vous apprenez des choses vraies”).
Mais j’ai l’impression que ce débat est déjà dépassé depuis quelques années en France car on lit/entend moins des critiques “ce n’est pas fiable” que des “ça ne durera pas parce que”. L’acceptation de Wikipédia en France par les “élites” (presse, universitaires etc) me semble bien plus forte qu’avant.
Ma crainte pour Wikipédia c’est justement qu’elle devienne un “passage obligé”, victime de son succès : le fait de se reposer sur des analyses extérieures implique qu’elle ne doit pas “assécher” les autres vecteurs de la connaissance. Et j’ai l’impression qu’on se dirige de plus en plus vers un monde où la connaissance vulgarisée c’est “Wikipédia ou rien”, ce qui ne me semble pas non plus être une bonne solution à terme.
Merci pour cette analyse française !
Pour endiguer la menace de nivellement par le bas assez évidente que tu énonces, ne faudrait-il pas faire de chaque article Wikipédia un “répertoire de liens” beaucoup plus complet que l’actuelle section “liens externes” ? (Est-ce que cela fait partie des discussions/polémiques internes ?)
Au vu de la démocratisation de son utilisation, doit-on former les étudiants à cet outil ?
En fait, la question ne se pose plus vraiment, il y a les universités qui le font et celle qui ne le font pas encore 🙂
J’enseigne comment fonctionne Wikipedia dans un module de méthodologie, cela va bien plus loin que simplement avertir les étudiants au sujet des limites de Wikipédia, c’est une porte d’entrée vers l’apprentissage de la recherche bibliographique. En biologie vous pouvez expliquer aux étudiants de Bachelor comment utiliser Pubmed, la plupart du temps ils ne l’utiliseront pas avant la fin de leur Master. Par contre si l’on aborde le même sujet, mais en le présentant comme l’outil pour aller plus loin que ce qui est sur Wikipédia, alors là il est possible de créer le réflexe “je m’informe rapidement sur Wikipédia et ensuite je vais plus loin avec les publications scientifiques”.
Passionnant ! Votre module prend place dans quelle structure (université, discipline…)?
Troisième année de Bachelor en biologie.
On pourrait avoir la même approche en première année, mais plus accès sur “comment lire Wikipédia”, en troisième année, le gros intérêt est de provoquer la discussion, jouer avec l’esprit critique.
Lorsque l’on parle d’apprendre à éditer Wikipédia, le levier avec des étudiants et le partage de leur travail. Quel étudiant est encore motivé à faire le même rapport bibliographique qui va rejoindre sur une étagère ses prédécesseurs? Maintenant si l’on parle d’utiliser un article Wikipédia comme support du rapport, on touche à l’original, au travail encore à faire et qui pourra être amélioré les années suivantes.
Lorsque l’on utilise Wikipédia comme support pédagogique, le problème est la richesse des points que l’on peut aborder, la différence en plagiat et synthèse, qu’est ce qu’un bon résumé?, comment bien illustrer un article?, etc. Il est tellement facile de vouloir tout aborder, et finalement se perdre…
Au sujet des liens externes, c’est une rare question sur laquelle il y a un fort consensus. http://fr.wikipedia.org/wiki/Wikipédia:Liens_externes
En résumé, un lien externe ne devrait pointer que vers un lien dont le contenu ne peut être inséré dans l’article. Par exemple une illustration qui n’est pas sous licence libre, ou un rapport de 200 pages!
Wikipédia étant fortement lu, de nombreux webmasters essayent d’utiliser la section liens externes pour se faire de la pub, la communauté essaye de protéger les lecteurs en étant très strict sur le sujet.
J’ai bien compris le problème lié au placement de liens “parasites”, mais si les sections “liens externes” sont aussi bien modérées que le texte, ça ne devrait être qu’un problème mineur (si ce n’est que ça pousse peut-être les contributeurs à mettre un lien plutôt que synthétiser l’information, par paresse)?
En fait, généralement les gens veulent partager mais veulent aussi être lus et donc vont sur le média le plus populaire (d’autant plus s’il est facile d’accès) et cela appauvrit le web.
Je ne crois pas vraiment que les liens externes soient une manière de lutter contre la force centripète qu’est Wikipédia. Ou du moins je ne l’avais jamais envisagé. C’est déjà pas évident de faire comprendre qu’un article sur une commune n’a pas à avoir les horaires de la bibliothèque. Oui c’est “pratique” et ça “rend service” mais c’est pas fait pour ça. Idem pour “un lien vers mon site super top à ce sujet”. J’ai aussi des doutes sur la “modération” efficace de plus d’un million d’articles en fait (aussi car les gens vont rarement voir les liens externes).
Je pense que c’est vraiment un dégât collatéral du succès de Wikipédia. On lit parfois que certains veulent changer le mode de participation, en gros que “avant, il fallait grossir donc accepter facilement tout le monde mais que désormais, on doit miser sur la consolidation de l’existant et donc restreindre les possibilités d’édition”. Mon avis est que la libre contribution fait partie de la nature de Wikipédia et ne dépend pas de son avancée (toute relative quand on voit les sujets). Bien entendu, il y a des pénibles qui abusent du système mais ce serait, à mon avis, une erreur de fermer l’accès (même en partie).
Des fois je repense à la “Seconde Fondation” d’Asimov, restée secrète et pilotant la première, ce qui amène une certaine indépendance et un suivi. Mais ce n’est pas possible (ni même souhaitable) pour Wikipédia qui reste un petit miracle néanmoins (je ne comprends pas toujours pas que cela marche… je n’aurais jamais misé un centime sur ce projet décrit avant sa mise en place… comme quoi).
C’est parce que la règle est simple que pour le moment il n’y a pas trop de problèmes avec les liens externes, mais si la règle devenait “tout site pertinent sur le sujet” alors cela serait le début de l’apocalypse! qui décide qu’un lien est pertinent ou non, sur des sujets de bases, il est très facile de savoir si un lien externe dirige vers un site de qualité tenu par une personne ou un organisme “de confiance”, par contre, si on se déplace vers des sujets moins universels, cela se complique. J’ai eu le cas de figure avec les chakra, quelle source de qualité pour sourcer la position du premier chakra, 1er ou 3e point du vaisseau conception? hein? 😉
Je ne suis pas persuadé par le caractère immanquablement “apocalyptique” du développement des liens externes sur wikipédia. Il faudrait évidemment assortir cet assouplissement des règles (qui n’en est pas un, en fait, c’est simplement une nouvelle règle) d’un protocole de citation qui oblige les personnes qui ajoutent des liens à remplir, comme pour des références bibliographiques, des champs qui décrivent le producteur de l’information, l’URL, le titre de la page, un commentaire sur le contenu, la date de consultation, etc…
Après, pour la question de la curation des sujets que personne ne maîtrise, le problème est le même avec les contenus eux-mêmes… personne ne va les lire et les corriger, ce n’est pas le propre des liens mais de tous les articles wikipédia marginaux.
Lors d’une intervention pour l’Église réformée du canton de Vaud, j’avais parlé de Wikipédia. Sachant que toutes les personnes présentes étaient bien suffisamment formées pour rédiger ou contribuer à des notices. Résultat à la louche: 100% l’utilisent, 80% ont remarqué que les notices sur le christianisme sont souvent très catholiques ou faiblement documentées, 0% de contributions!
Ce qui est malheureusement vrai, c’est que la création d’une nouvelle notice, avec une infobox, n’est pas particulièrement évidente. Mais ce n’est pas une raison pour constater sans agir.
Ah ah, c’est justement moi qui ai créé l’article EERV, en espérant qu’ils reprennent ! 🙁
Et moi celui de l’EREN (avec son infobox qu’il faudrait pomper pour l’EERV) en espérant la même chose. 🙁 aussi
J’avais présenté un catalogues de cours possibles pour les Églises romandes: Facebook a été demandé très souvent, twitter un peu, wikipédia et Creative Commons pas du tout. C’était très frustrant de voir cela; j’aurais choisi une autre hiérarchie.
Avec tant de bonnes questions, il devient tentant de répondre 😉
Je suis venu à Wikipédia plus par idéalisme que par pragmatisme. Les encyclopédies m’ont toujours fascinés. Lors de ma première contribution, j’ai connu un effet « Waouh » qui ne m’a jamais quitté. L’anonymat de la participation m’a ensuite beaucoup encouragé. Je n’étais qu’un étudiant de premier cycle. Et pourtant, je pouvais publier des articles acceptés par une large communauté et consultés par des milliers de lecteur.
Doit-on former les étudiants à la contribution sur Wikipédia ? Je le pense. Je viens justement de rédiger une étude à ce sujet qui fait la synthèse d’une trentaine de case studies (j’attends la confirmation de l’éditeur avant de la mettre en ligne). Visiblement, en mettant les mains dans le camboui, les étudiants ont significativement amélioré leur aptitude à l’esprit critique et leur abilité à trier l’information et leur capacité à évaluer les sources. Pour ceux qui souhaitent s’orienter plus tard vers la recherche, cette expérience les initie à des pratiques épistémologiques assez poussées. Ce serait donc un très bon moyen pour adopter de bons réflexe d’apprentissage (apprendre à apprendre en somme…).
Merci pour votre témoignage enthousiaste. Je me réjouis de vous lire, le cas échéant !
Sur la caractère “incontournable” de Wikipédia, il y aurait beaucoup à dire. Un autre problème que vous n’abordez pas, c’est celui que présente l’usage d’une telle encyclopédie collaborative avec les élèves du secondaire.
http://www.laviemoderne.net/lames-de-fond/030-wikipedia-l-important-c-est-de-participer.html
Vous avez raison, la question de la “formation à Wikipédia” n’est ici abordée que dans le contexte universitaire, ce qui est évidemment insuffisant pour rendre l’outil “bien utilisé” (c’est à dire “compris” avant d’être “utilisé”) par la majorité de ses utilisateurs.
Finalement, face à une telle mine d’informations, comment éviter que tous les travaux d’écoliers ne soient des copier/coller de Wikipédia ?
En les rendant acteur de Wikipédia, en leur apprenant la valeur du droit d’auteur.
Vous avez conscience que votre article est de la première à la dernière ligne du cirage de pompes de Wikipédia / Wikimedia ? Comment pouvez-vous utiliser Wikipédia dans un cadre professionnel, vous n’avez donc pas mieux que ces articles patchworks dont il est évident qu’ils sont le résultat d’un pillage massif des vrais auteurs ? Qu’enseigne-t-on aux élèves avec Wikipédia, le mensonge, le copier-coller à la place de l’effort et de la compétence ? Je pense que Wikipédia s’effondrera en même temps que l’idéologie “commoniste” qui la sous-tend.
Merci pour votre commentaire !
Autant je ne savais pas qu’il était possible de “cirer les pompes” d’une encyclopédie (ou alors, au vu du nombre de contributeurs, ça fait beaucoup beaucoup de “pompes”), autant il me semble que les aspects “patchwork” et “pillage” sont des composantes fondamentales de la connaissance humaine : s’appuyer sur ce qui est fait par le précédent pour créer un nouveau savoir ou une nouvelle compilation de savoirs. Le tout est d’en être conscient, raison pour laquelle je pense que l’éducation des plus jeunes à ce “patchwork” est primordiale.
Ce en quoi je vous rejoint tout à fait, c’est que l’épopée de ce support “Wikipédia” est très liée à la force de l’idéalisme “communiste” qui la sous-tend, et que j’imagine volontiers que si cet idéalisme se corrompt par des luttes internes, l’encyclopédie disparaîtra… mais c’est finalement le propre de toutes les sociétés, qu’elles soient politiques réelles ou numériques.
La représentation graphique de ces relations d’influence permet une visualisation de toute l’histoire de la littérature, des courants philosophiques et artistiques, avec ses entremêlés inévitables et ses rapports de force. où peut on voir cette représentation graphique ? page web ? merci
Bonjour, cet article a 10 ans et les pages auxquelles il est fait référence 1 ou 2 ans de plus,… elles ne sont malheureusement plus en ligne (en tout cas pas à leurs URLs de l’époque), désolé.